Je trouve nécessaire aujourd’hui de demander à quelqu’un de prendre son temps.
Un monde se dessine pour emporter les regards dans un façonnage de la matière, sans fin. Les installations textiles, sculptures, performances, connectent nos gestes et notre physicalité profonde aux facettes de notre esprit. Nous ne devenons plus qu’un et interrogeons nos liens tacites avec la matière, ces liens que berce le temps d’un monde moderne.
Le temps aujourd’hui se dilate, s’emporte, sa durée presque inexistante et
imperceptible nous échappe.
Les installations textiles, sculptures et dessins présentent différentes matières
construites et déconstruites à la main. Chaque étape de fabrication laisse une
empreinte sur l’existence finale des pièces, leur rétribuant une valeur sensible et
nous introduisant dans leur esprit. Cette immersion s’organise autour du
mouvement et dans une rythmique donnée par le geste du faiseur, l’artiste. Dès
lors, le corps devient outil incarnant cette relation entre la matière et le créateur
pour mettre en oeuvre une vision du monde.
Les formes s’organisent et se désorganisent. Les unes courbées sous le vent
de panique irrésistible, les autres immobiles, presque ironiques. L’état brut de la
matière semble cristallisé et éveille un désir de toucher, de palper, de rentrer en
communion avec lui ; pour former une unité des corps, une continuité des âmes.
Cette intention nous amène à questionner le sens que l’on accorde aux choses, à
leur conception et le lien indissociable qui émane de ce processus : l’unité entre
les trois existences du corps du créateur, de son esprit et de sa création.
Cette expérience métaphysique qui s’actualise sans cesse au fil de ces interactions
matérielles et spirituelles ancre nos rapports de coprésence au monde.
« Un bourdonnement grave des choses. Par le dédale et l’entrelacs fibreux de la
matière » Antonin Artaud Le théâtre et son double.